Une collaboration difficile [Jesse]

Oui c'est vrai qu'avec l'abrutit de surveillant dans les basques, il ne fait pas bon pour elle que je m'évanouisse !
Encore une fois elle réussi à me faire rire.

Puis elle finit par me demander "pourquoi" ? J'imagine que ce pourquoi englobe pas mal d'interrogations. Je décide de répondre d'abord à la plus directe : pourquoi me suis-je coupée.

- C'est ce qu'essaient de découvrir tous les psy ici, dis-je un sourire au coin de mes lèvres. Je ne sais pas trop pourquoi, mais je sais qu'il y a des moments où je vais si mal à l'intérieur, qu'il faut que ça sorte hors de moi avant que je ne devienne folle. C'est le seul moyen que j'ai trouvé pour faire taire mes angoisses et... tu vas trouver ça con, mais... c'est aussi le seul moyen que j'ai trouvé pour reprendre un peu le contrôle de moi. Parce que, au moins, avec la douleur physique, c'est moi qui choisis quand j'ai mal et quand ça doit cesser, tu vois ce que je veux dire ?

J'ignore si elle voit... j'espère, parce que je ne sais pas trop comment dire ça autrement. Et je crois que si on m'avait posé la question quelques mois plus tôt, j'aurais été incapable d'expliquer ça comme ça... comme quoi, finalement j'évolue au moins un peu...

Je suis contente qu'elle accepte de répondre. Je doutais qu'elle veuille se confier à moi, même si notre relation semble avoir évolué, elle est encore assez ambiguë. C'est donc attentivement, que j'écoute sa longue réponse sur l'explication du comment du pourquoi. Elle explique plutôt clairement sa situation, en tout cas, pour moi, c'est suffisamment clair. Je lui adresse un léger sourire compatissant. Certes, je ne me suis jamais tailladé les veines, mais je comprend ce que c'est de vouloir exorciser sa douleur intérieure.

Je vois ce que tu veux dire... cela dit, je suis persuadée que tu peux trouver un autre moyen pour te lâcher! J'en sais rien. L'alcool, le sexe, crier le plus fort possible! Je suis même d'accord pour te servir de punching-ball! Enfin juste pour aujourd'hui, faudrait pas que tu m'abîmes quand même!

Je lui souris de nouveau en espérant qu'elle ait compris, que même si on ne se connaît pas vraiment, je suis une bonne épaule et que je serais presque ravie de pouvoir l'aider en quelque chose.

Je crois bien que Jesse essaie de me témoigner son soutien... Et j'adore la manière dont elle procède ! Je ne la connais pas encore beaucoup, néanmois je crois déjà pouvoir dire que c'est "très Jesse" comme procédé. Elle continue à maintenir une ambiance légère, malgré le poids de ce sujet, et ne semble ni vouloir me juger, ni me moraliser, ni même chercher à me changer à tout pris.
Elle me dit qu'il existe d'autres alternatives à mes crises d'angoisse, me proposant même de faire d'elle mon punching-ball ! Je songe alors au parcours qu'on a fait toutes les deux en quelques jours et souris.

- J'en aurais bien été capable il y a quelques jours tu sais ! dis-je en riant. Mais rassure toi, l'envie m'est passée de te sauter à la gorge ! D'ailleurs quand j'y repense, c'était très con de ma part...

Oui, c'est une tentative d'excuse très maladroite, j'avoue... mais il n'est pas dans mes habitudes de m'excuser, encore moins de reconnaitre que j'ai pu avoir tord alors c'est pas facile. J'en reviens rapidement au sujet avant d'être trop mal à l'aise.

- Et puis, plus sérieusement, ce n'est pas à d'autres de souffrir pour ce que je porte à l'intérieur de moi. Je sais bien qu'il faut que je trouve un autre moyen, un truc un peu moins... extrême. Mais ce n'est pas gagné ! Pour être totalement honnête, j'ai l'impression d'avoir besoin de ces petites coupures pour tenir... Tu dois me prendre pour une masochiste !

Je ris de ce que je viens de dire... c'est vrai que vu de l'extérieur, je dois vraiment être quelqu'un de bizarre.

Lorsqu'elle m'avoue qu'il y a quelques jours, elle m'aurait volontiers sauté à la gorge, je ne m'en formalise même pas. Après tout, moi aussi, je l'aurais bien démontée, il y a quelques jours. C'était impressionnant comme mon idée sur le sujet avait changé, moi qui est bornée comme c'est pas croyable habituellement. Bref, ce sont presque des excuses qu'elle me fait. Elle n'a pas à le faire mais bon, si elle veut! Elle revient au sujet initial, ses coupures.

Les autres n'ont pas à souffrir pour toi, d'accord, mais ils ont le droit de t'aider à t'en sortir. Tes coupures t'aident. Il faut juste que tu les remplaces par des personnes.

On touche à un sujet délicat. J'hésite à lui dire le fond de ma pensée... j'ai si peur de perdre d'un coup notre amitié et tout le bien qu'elle me fait. Et puis finalement, je me lance.

- Ton idée est séduisante, j'avoue. Mais d'un autre côté, je sais très bien que je ne mérite pas qu'on m'aide.

Comme pour anticiper sa réponse, je poursuis mon idée.

- Mon mal, je l'ai bien cherché, je ne récolte que ce que j'ai semmé. Et puis j'ai l'impression qu'il est trop tard, tout en moi est détruit, ce serait peine perdu pour quelqu'un d'essayer de me réanimer, tout juste arriverait-il à se fâtiguer...

Je dis cela, mais en même temps, j'ai accepté de venir dans ce centre, et je l'ai fait dans l'espoir que quelqu'un me débarasse de ce qui me ronge de l'intérieur. Peut-être qu'au fond, ce ne sera pas par les médecins que j'y arriverai, mais grâce à une autre forme de soutien, celle que me propose Jesse ?

Je l'écoute parler attentivement, comme j'en ai pris l'habitude ces derniers jours. Ce qu'elle dit est plutôt... grave. Enfin, grave, je me comprends. Elle se sous-estime, je déteste ça. Elle n'a pas confiance en elle, en ces capacités, en sa personnalité. Pourtant de la personnalité, ce n'est pas ce qui lui manque!

Si tu es là, c'est pas pour couler à ce que je sache.
Alors fais en sorte d'y mettre un peu du tien et apprend à nager!

Jolie métaphore Jess', à croire que les psys déteignent aussi sur toi...

Ses mots m'arrivent en pleine figure et me sonnent un peu. J'ai tellement pris l'habitude que les gens me plaignent et me caressent dans le sens du poil que cette réaction me fait l'effet d'une bonne giffle.
Je reste un instant sans voix, je la regarde, puis je soupire.

- T'as raison...

C'est terrible, parce que je prends conscience de cette vérité au moment où je la dis. "Elle a raison".
Il est temps pour moi de me jeter à l'eau... Oui mais l'idée me fait peur tout de même. J'ai passé tellement de temps à vouloir tuer ma douleur que maintenant que je me tourne vers la vie, j'ai peur de ne pas savoir comment faire. Peut-on apprendre à vivre ?

- Tu crois que tu saurais... m'apprendre à nager ?

J'ai presque honte de lui demander ça. C'est vrai, je ne suis pas un cadeau et elle a sans doute mieux à faire avec ses propres problèmes ! Pourtant, en tout humilité, je suis prête à m'en remettre à ses soins.

" Tu as raison ". Ca sonne bizarre. On me dit rarement que j'ai raison, mais je dois avouer, que ça fait vraiment plaisir à entendre! Un très léger sourire naît sur mes lèvres mais je le perd en l'entendant me demander de lui "apprendre à nager". Je ne perds pas mon sourire parce que je ne veux pas, comme elle pourrait le croire. Je voudrais bien, mais je doute d'en être réellement capable. J'aimerai éviter de lui faire de faux espoirs... Mais attend, ce n'est pas moi qui ai dit qu'elle n'avait pas suffisamment confiance en elle? Et après je parle...

Dans la vraie vie, je ne sais même pas nager! Mais dans notre métaphore... je crois que c'est dans mes aptitudes. Du moins, je peux toujours essayer, je ne te promets rien!

Je lui adresse un léger sourire. Je rêve ou je viens de lui proposer une grande amitié, là?

C'est étrange, j'ai l'impression que Jesse prend cette mission plutôt à coeur, ça me touche beaucoup.
Jamais, de ma vie, je n'ai remis mon devenir entre les mains de qui que ce soit. Dire que je lui accorde ma confiance est un euphémisme. Si on m'avait dit ça quelques jours plus tôt je n'y aurais pas cru !

Soudain, notre sympathique surveillant fait surface dans la salle.

- Non mais vous vous croyez où là ? Vous êtes en retenue, pas au bord de la plage mesdemoiselles !! Dépéchez-vous de finir votre travail !

Il m'a fait peur ce con !
Ce n'est pas la politesse qui l'étouffe ! Je me relève tranquillement, je n'ai ni la force ni le courage de répondre à son agressivité. Cela dit il a raison, on a pris un peu de retard...

Elle a semblé touché par ma "promesse" et ça m'a fait plaisir. Plaisir de savoir que j'étais encore capable de toucher les gens, et qui sait, peut-être même de leur être bénéfique. Tout est possible, pas vrai? Notre charmant ami le surveillant toquard est revenu nosu voir et nosu a passé un savon parce qu'on avait fait une pause. Je lui ai lancé un regard noir avant de me remettre au boulot. Crétin! Je regarde Keats qui semble avoir repris quelques couleurs. Pas trop mais un peu quand même, faut pas trop en demander! Je lui adresse un léger sourire, de nouveau (décidément!) puis me remets au boulot...

Lorsque nous finissons notre tache, la sonnerie qui annonce le début des cours a déjà retenti depuis 10 bonnes minutes. Je n'ai aucune envie d'y aller, je me sens trop patraque pour affronter des mathématiques dès le matin...
Je proposerai bien à Jesse de sècher les cours avec moi pour commencer ma première leçon de "natation", mais je lui ai déjà causé assez de problèmes comme ça, inutile de lui en attirer de nouveaux.

- Je crois que je vais aller à l'infirmerie pour avoir une excuse médicale, lui dis-je alors que nous sortons de la dernière salle. Je ne me sens pas d'aller en cours aujourd'hui.

On finit notre travail, peut-être pas aussi efficaces que d'habitude mais à peu près dans les temps. Alors que je me prépare à me rendre dans ce putain de cours qui m'attend, Keats m'avoue qu'elle préfère aller à l'infirmerie. J'arque un sourcil, soit ça lui fait mal, soit elle a toujours pas le moral...

Si tu veux, on peut traîner ensemble. Je ne suis pas très motivée non plus!

Je lui adresse de nouveau un large sourire avant de m'approcher d'elle pour entendre sa réponse. Après tout, les cours, je m'en tamponne, hein! Je suis une bad girl =P

Je souris. Une fois de plus, elle a su lire en moi.

- J'adorerai, dis-je les yeux pétillants.

Je suis aussi excitée qu'une gamine s'apprêtant à faire une bêtise. Il y a si longtemps que je n'avais plus ressenti ça...

- Alors ? Que fait-on ?

Je me sens prête à toutes les folies et la perspective de liberté me fait agréablement tourner la tête.
Une question se pose à moi, cependant : comment allons nous éviter les surveillants ? S'ils nous attrapent entrain de trainer dans le Centre, nous risquons une sanction bien plus lourde et ennuyeuse que nous n'avons déjà... Jesse a sans doute déjà une idée sur la question, elle n'est pas novice elle.

Je vois son regard se parsemer de petites étoiles et une fois de plus, ça me réchauffe le coeur. Elle me demande ce qu'on pourrait faire, où est-ce qu'on pourrait aller. Personnellement, je n'ai qu'une envie, sortir du centre. Mais en pleine journée, c'est déconseillé. Alors j'ai réfléchi et ai repensé à Noah... et à Jin. Le toit. Ca me semblait être l'endroit parfait. Les surveillants n'y passaient que très rarement. De plus, à partir de cette salle, il ne serait pas difficile de s'y rendre sans se faire prendre à sécher. Je lui ai souri et lui ai fait signe de me suivre.

Suis-moi. Je pense que ça devrait te plaire, la miss!

J'acquiesce sans même prendre le temps de réfléchir. Je lui fais entièrement confiance pour nous dégoter un endroit tranquille.
Nous quittons les lieux précautionneusement, et je sens mon coeur s'agiter.
Une nouvelle vie commence...

Elle me suit sans une seule hésitation et voilà que ça me touche de nouveau. Je marche rapidement, pour minimiser nos chances de croiser un surveillant. Et par chance, on n'en croise aucun. On arrive aux escaliers de secours qui mènent au toit et j'invite Keats à m'y suivre. Une fois de plus elle le fait, et avec le sourire en plus. Lorsqu'on arrive enfin à l'air libre, un sourire naît automatiquement sur mes lèvres. On se sent presque libre ici.

» Jesse Lewis
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