Une collaboration difficile [Jesse]

Il est presque 8h, et j'attends devant la salle 101 du premier étage, un tantinet nerveuse. Ce proviseur est fou... Décider de laisser seules deux filles qui ont manqué de s'étriper la veille, ça relève de l'inconscience professionnelle !!

J'avais demandé à un intervenant en quoi conscistait ma "mission" et j'avais obtenu les réponses nécessaires.

- Tous les jours, de 10h à 12h, ont lieues des discussions de groupe entre les classes spécialisées et un psychologue. Une discussion de groupe entre élèves de classe A (personnes répondant à une addiction), de classe B (personnes répondant à un comportement corpocidaire comme les tentatives de suicide, ou personnes dépressives), de classe C (personnes ayant un comportement anti-social ou anarchique) et enfin de classe D (toutes autre personne ayant besoin de discuter avec un psychologue). C'est bien simple, votre mission est de mettre en place ces salles dès le matin. Vous transformerez les vulgaires salles de cours du premier étage en salles de discussions dont les chaises doivent être positionnées en cercle.

Rien de plus simple... et de plus ridicule aussi. J'attends donc ma nouvelle collaboratrice dans le couloir du premier étage, en espérant qu'elle sera au courant de tout ça... elle devrait, elle a l'air d'être là depuis un moment... Elle a intérêt à venir... ben oui, cette "punition" pittoyable nous devons la faire à deux et je n'ai pas du tout envie de me chopper une autre sanction moi !

Après avoir fumer quelques cigarettes et avoir bu quelques cafés, je me suis motivée pour me rendre sur les lieux de ma punition. Inutile de vous dire, que je n'y suis pas allée en trottinant joyeusement! Cette punition est des plus ridicules. Comme si les élèves des groupes de discussion étaient pas fichus de bouger les tables et les chaises eux-mêmes. Ils sont peut-être dérangés mais pas manchots, à ce que je sache! J'ai secoué la tête et suis enfin arrivée devant la salle. L'autre fille était déjà là. Comment elle s'appelle déjà? Arf, j'ai oublié. Aucune importance je ne comptais pas lui raconter ma vie! Je passe devant elle puis me retourne.

Au boulot, la nouvelle! Plus vite ça sera fini, plus vite je serai débarassée de toi!

Après tout c'est de sa faute si on est là. Je ne vais pas être gentille non plus! Faut pas pousser!

Enfin, la dénommée Jesse arrive. Elle a l'air au moins aussi enthousiaste que moi. Elle me propose de nous y mettre sans plus attendre.

- Ca me va, lui dis-je pour toute réponse.

Comme si j'allais gaspiller plus de salive pour elle. De toute façon je ne suis pas encore assez réveillée pour répondre à son pic. Quand je pense que si je suis là c'est de sa faute !
Je la suis dans la classe et, comme je la vois commencer à mettre les tables d'un côté, je l'immite sans un mot.
Soudain, un surveillant passe par là, sans doute envoyé par le proviseur pour s'assurer que nous sommes toujours en vie.

- Tout va bien mesdemoiselles ? demande-t-il sur le pas de la porte.

On commence à s'activer... en silence! Et ce n'est pas pour me déplaire. Un surveillant passe pour voir si on est bien là et si on fait bien ce qu'on est sensé faire. Il croyait quoi? Qu'on allait faire un combat de lutte?! Arf, pourquoi pas après tout, je pourrais lui démonter la gueule à cette princesse asiat'!

Tout va toujours bien dans ce centre! C'est bien connu!

J'ai dit ça, pleine d'ironie et lui ai adressé un large sourire hyporcrite en prime.

Ce con de surveillant m'a effrayée ! Quand je dis que je ne suis pas encore réveillée...

Miss Lewis lui a répondu mais le jeune homme n'a pas l'air d'avoir apprécié le ton de sa voix :

- Bien sûr, mademoiselle Lewis, j'aurais du m'attendre à une telle réponse de votre part, dit-il avec un air de dédain. Et vous mademoiselle ? Tout va bien ?

Il me demande ça avec un sourire compatissant, comme pour me montrer qu'il me soutient et je le soupçonne d'être prêt à punir Jesse davantage si je dis quoi que ce soit contre elle. Non, il n'a vraiment pas l'air de l'apprécier. Et puis je comprends que sa question sous entend "est-ce qu'elle vous laisse tranquille ?" et ça m'énerve déjà. C'est fou ça, personne ne me prend jamais au sérieux ! Tout le monde s'immagine toujours que c'est moi la jeune fille sans défense de l'histoire. Mais je ne suis plus comme ça, il serait temps qu'ils s'en apperçoivent, tous ! Ce pourrait très bien être moi celle de qui il faut protéger l'autre !

- Comme on vous a dit, tout va à merveille monsieur le surveillant-qui-fait-dans-l'assistance-social, réponds-je, un brin d'effronterie dans la voix.

Je l'ai vexé. Il s'en est allé de son air pincé en lançant :

- Très bien, débrouillez-vous alors !

Le surveillant m'a retorqué, en gros, qu'il n'en attendait pas moins de ma part et je me suis reconcentrée sur cette table qui venait de m'écraser le pied. Puis j'ai subitement relevé la tête en entendant la réponse de l'asiat'. Je rêve ou elle l'a vraiment rembarré?! Finalement, elle n'est peut-être pas si détestable. Arf, ne nous laissons pas convaincre trop vite! C'est quand même à cause d'elle que je suis là! Je devais la regarder bizarrement parce qu'elle m'a fixé.

On a terminé une salle et on commence la suivante, toujours en silence. On enchaine ainsi de suite toutes les salles du premier étage jusqu'à la dernière. Finalement, on s'en sort pas si mal.

Alors que nous terminons de placer en cercle les dernières chaises de la journée, une question me brule les lèvres. J'ai la curiosité impatiente, mais je ne suis pas non plus suicidaire... Je me retiens donc sagement (moi ? sage ??), j'aurais sans doute d'autres occasions encore de la lui poser.

Pour l'heure, il est temps d'aller en cours. De toute façon, je la reverrai demain à la même heure et au même endroit.

On a enchaîné toutes ces salles à une vitesse impressionnante, si bien qu'on a plus rapidement terminé que je ne l'aurais cru. Je regardais Keats du coin de l'oeil, elle semblait vouloir dire quelque chose mais se résignait. C'est elle qui voit! De toute manière, on risque de passer beaucoup de temps ensemble dans les jours à venir... Et je ne sais plus trop si je dois dire "Fais Chier" ou "Faut Voir"... Bon, je ne vais pas me prendre la tête, hein! Je suis donc sorti de la dernière salle et lui ai adressé un bref regard avant de me barrer...

Le lendemain, même heure, Miss Lewis et moi nous retrouvons à nouveau devant la salle 101.
Je la vois arriver, elle a l'air au moins aussi éveillée que moi, ça me rassure.

- On reprend la même technique qu'hier ? lui propose-je d'un ton blasé.

Je suis arrivée, la tête dans le cul pour changer. Ca me saoulait vraiment d'avoir à aller faire ça avec l'autre là. Mais bon, pas le choix. Quand j'ai débarqué, j'ai été ravie de constater que ma collaboratrice avait la même gueule d'endormie que moi. Elle m'a demandé si on gardait la même technique, j'ai haussé les épaules.

Ouais, de toute façon, y en a pas 4 000!

Je suis entrée dans la salle et ai balancé mon sac dans un coin de la pièce.

*Ouais, en même temps elle n'a pas tord* pensais-je à contre coeur. Alors j'ai moi-même haussé les épaules et l'ai suivie dans la salle.

Tout comme la veille, un surveillant est venu voir si tout allait bien, et tout comme la veille, nous lui avons répondu avec un large sourire irronique qui l'a fait fuir, vexé... il leur en faut peu à ces gens là...

- C'est à croire que c'est à nous de faire dans le social maintenant, ai-je murmuré, plus pour moi même qu'autre chose.

On a bien bossé comme d'hab. Le surveillant lourd est passé comme la veille. Keats l'a envoyé chier et moi aussi. D'une certaine manière, on se rapprochait, je crois. Elle a murmuré quelque chose et je l'ai entendu, par hasard. J'ai donc souri à sa remarque.

Ouais... ils savent plus quelle fonction nous donner, c'est dingue!

Miss Lewis m'a entendu murmurer et, à ma grande surprise, m'a répondu de manière bien moins agressive que d'ordinaire. Je ne sais pas trop quoi en penser, mais en tout cas je ne peux m'empêcher de sourire à sa remarque.
Soudain je me souviens de ce qu'elle m'a dit l'autre jour "c'est à cause des flics que je suis là", et je me dis que d'être enfermée ici alors qu'on ne l'a pas choisi, ce doit être bien pire que de le faire avec le soutien de sa famille. Je n'ose pas encore lui poser la question qui me brulait les lèvres hier, mais j'en hasarde une qui me semble moins "risquée", je verrais bien ce que ça donne.

- Ca fait combien de temps que tu subis ça au juste ?

Elle a semblé surprise par ma réponse, faut dire qu'on ne s'était jamais parlé aussi gentiment! Puis, après maintes hésitations, elle m'a posé une question, la même que tout le monde!

Plus de sept mois...

Eh oui, je suis une ancienne!

J'ai soulevé mes sourcils, impressionnée. Plus de sept mois ?? Je comprends qu'elle soit blasée ! J'espère au fond de moi que mon séjour sera moins long, même si je le sens plutôt mal...

Ma curiosité légendaire a repris le dessus et déjà une autre question s'est échappée de mes lèvres avant que je ne puisse l'en empêcher.

- Et tu sais pour combien de temps tu en as encore ?

Je réalise soudain que ma phrase ainsi tournée fait un peu arret de mort, genre "tu en as pour combien de temps à vivre ?"... Cela dit, la vie au Centre n'en est pas loin... la sortie en sera très probablement la douce délivrance.

Elle a paru surprise, voire choquée, par ma réponse. Ouais, impressionnant...

Non, aucune idée. Et ils ne semblent pas décider à me lâcher pour l'instant...

J'ai dit ça, désespérée, mais limite amusée. Puis vu qu'elle faisait la curieuse, je me suis décidée à la faire la même chose. Après tout, une discussion tranquille ne fait de mal à personne...

Et toi? Tu es là pour longtemps tu penses?

Je suis de plus en plus surprise par la tournure que prend cette relation bizarre, mais la situation n'est pas pour me déplaire.
Miss Lewis se prète elle aussi au jeu des questions, alors je réponds, normal.

- Je ne sais pas du tout. Les médecins du Centre ont dit que ça dépendrait de l'évolution de mon "cas". Mais d'après leurs diagnostiques, j'ai bien l'impression d'être embarquée ici pour quelques bons mois...

En disant cela, je pousse une table au fond de la salle et ramène deux chaises au centre.

J'ai continué de ranger les tables les unes à côtés des autres et de ramener des chaises au centre de la pièce, comme Keats le faisait de l'autre côté de la pièce. Elle m'a répondu, légèrement anxieuse, ça pouvait se comprendre...

Jsais pas quel est ton problème, mais je doute que tu restes aussi longtemps que moi!

J'ai dit d'un ton limite enjoué, amusée par ma propre situation désespérante.

Je suis suprise de la manière dont la jeune fille prend les choses, et, je dois bien le reconnaitre, plutôt impressionnée. Elle a l'air d'avoir une telle force de caractère, elle semble pouvoir tout encaisser, pouvoir surmonter n'importe quel événement. Ca me fait mal de l'admettre, mais je l'envie un peu...
Alors, à nouveau, cette même question me brûle les lèvres. Je me dis qu'elle aurait tous les droits de refuser de me répondre, après tout on n'en est pas encore à élever nos cochons ensemble, mais tant pis, je tente le coup.

- Dis moi, qu'est-ce que tu as fait aux flics pour qu'ils t'en veuillent au point de t'enfermer ici ?

Indiscression quand tu nous tiens...

Elle paraissait toujours surprise que je ne compte plus lui foutre sur la gueule. Elle n'était pas chiante ni insolente dans l'instant alors je n'avais aucune raison de vouloir le faire. Je l'ai regardée, bizarrement je crois, quand elle a posé sa question. Mais c'est qu'on commençait à avoir une discussion sérieuse!

La misère! Ils me voyaient toutes les semaines pour un truc différent. Un coup vandalisme, le coup d'après possession de drogues, ensuite agression, ou troubles de l'ordre sur la voie publique, tout et n'importe quoi en somme!

J'ai affiché un léger sourire, contente de pouvoir en plaisanter aujourd'hui.

Alors ils en ont eu marre un jour!

Jesse me détaille ses exploits et je ne peux m'empêcher de sourire en constatant avec quelle distance elle parle de tout ça. C'est à peut près tout ce que j'avais imaginé de ses actions.

- Tu dois beaucoup leur manquer aujourd'hui ! dis-je, toujours en souriant.

Finalement, je commence à m'attacher à cette petite peste des rues...

Je ris légèrement face à sa remarque. Mais c'est qu'elle commence à me plaire l'asiatique! Qui l'eut cru?

Si je leur manquais, ils m'auraient pas envoyés ici! Mais je m'en fous! Je survis sans eux bien que ce fût une dure déchirure! Je dois l'avouer, le poste de police me manque!

Pour la première fois depuis que j'ai manqué de lui sauter au visage, je prends le temps de regarder la jeune fille. Sous ses airs négligés, je lui trouve un certain charme, le charme de la spontanéité.
Tandis que nous installons les dernières chaises, je lui souris en lui disant :

- A mon avis, ils s'en mordent les doigts... c'est vrai, que peuvent-ils bien faire maintenant que le taux de criminalité, de délinquence et de trafics a subitement baissé ? Ils doivent s'ennuyer les pauvres... Non moi je te dis, ils seront ravis de t'accueillir à ta sortie.

J'ai dit ça avec ironie, sans quitter mon petit sourire mi-moqueur, mi-complice.
Soudain la cloche raisonne. Il est déjà l'heure d'aller en cours ? C'est fou ce que le temps est passé vite d'un coup.

J'ai souri. Finalement, je commençais à l'apprécier cette Keats. On terminait d'installer les dernières chaises lorsqu'elle a répondu. J'aurais volontiers éclaté de rire s'il avait s'agit de Noah mais je me suis retenue et ai affiché un large sourire.

J'aurais préféré un autre accueil à la sortie! Mais bon, c'est mieux que rien!

La cloche nous a indiqué le début du cours et j'ai poussé un long soupire... déjà...

Troisième jour de corvée... mais étrangement, je ne le ressens plus tellement comme une corvée. Bon, bien sûr, j'aurais bien aimé dormir une demie heure de plus moi aussi plutôt que de venir installer ces salles dès l'aube, mais disons que ce matin, j'avais comme une certaine impatience. Toute la journée d'hier, je n'ai cessé de repenser à ce curieux revirement de situation et à mon étrange mais agréable conversation avec Jesse. Et aujourd'hui que nous devons nous remettre à l'oeuvre, je suis bien décidée à en savoir plus sur cette jeune fille énigmatique.

Je suis donc un peu en avance devant la porte 101.

» Jesse Lewis
» Lendemain de Fete [ Pv Jesse ]
» Basse tension [Jesse]